Focus art

Angélique

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✨ Superbe découverte au Musée des Beaux-Arts de Dole !

Une grande huile sur toile signée Jules Machard (1839-1900), peintre d’histoire et de portraits né à Sampans, dans le Jura. Après une formation initiale en Franche-Comté, il rejoint Paris et s’insère dans le système institutionnel de l’École des Beaux-Arts et du Salon. Sa peinture s’inscrit dans le prolongement du romantisme tardif, tout en restant profondément attachée aux principes académiques.

🖌️ L’influence de Jean-Auguste-Dominique Ingres y est sensible, notamment dans le traitement du nu féminin. Les contours nets, le modelé lisse de la chair et la retenue expressive du visage traduisent une conception où la beauté idéale prime sur l’expression immédiate des émotions. Cette rigueur formelle coexiste toutefois avec une sensibilité plus dramatique, héritée de Delacroix, perceptible dans le mouvement des draperies, les contrastes de lumière et la tension générale de la composition.

Présentée au Salon de 1869, “Angélique attachée au rocher” illustre un épisode célèbre d’Orlando Furioso, poème épique italien du XVIe siècle composé par l’Arioste[*] , abondamment exploité par la peinture européenne. Machard choisit un instant de grande vulnérabilité : représentée avant le sauvetage, Angélique est livrée à un monstre marin, suspendue dans une attente tragique. Le corps nu et entravé se détache avec clarté sur un paysage rocheux, sombre et aride, animé de larges draperies aux tonalités chaudes. La posture contrainte, les bras levés et le visage tourné vers le ciel expriment moins une violente terreur qu’une résignation silencieuse, proche des figures ingresques à la beauté impassible.

🎨 Le tableau conjugue ainsi un érotisme mesuré, conforme aux codes du Salon, et une ambition narrative héritée de la grande peinture d’histoire. À travers cette œuvre, Machard s’inscrit dans une tradition iconographique classique, où le nu féminin devient le vecteur d’un récit littéraire et moral, révélant son attachement à une peinture lisible, spectaculaire et profondément ancrée dans la culture visuelle du XIXᵉ siècle.

À bientôt sur Sfumato ! 💫
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🖼️ Jules MACHARD (1839-1900), Angélique attachée au rocher (1869)18 min

[*] Dans le poème, Angélique est présentée comme une princesse du Cathay, d’une beauté exceptionnelle, convoitée par de nombreux chevaliers chrétiens et païens, dont Roland (Orlando). Fuyant ces poursuites incessantes, elle se retrouve capturée puis livrée en sacrifice par les habitants d’une île, afin d’apaiser un monstre marin ravageant leurs côtes. Angélique est alors attachée nue à un rocher, offerte à la bête dans une scène qui rappelle explicitement le mythe antique d’Andromède.
Le chevalier sarrasin Roger, survolant la mer à dos d’hippogriffe, aperçoit la jeune femme enchaînée. Il terrasse le monstre et délivre Angélique, qui feint d’abord la gratitude avant de s’échapper dès qu’elle en a l’occasion. Par la suite, Angélique se détourne définitivement des héros chevaleresques pour épouser Médor, un simple soldat sarrasin, provoquant la folie de Roland lorsqu’il découvre leur amour. L’épisode du rocher constitue ainsi un moment clé du poème : il condense les thèmes de la beauté menacée, du désir violent et de l’illusion héroïque, tout en offrant une scène spectaculaire qui a durablement nourri l’imaginaire artistique occidental.