Focus art

Henri-Paul Motte

🎨 Né un 15 décembre, Henri-Paul Motte (1846-1922) appartient à cette génération de peintres français qui, au tournant du XIXᵉ siècle, ont maintenu vivante la grande veine de la peinture d’histoire.

Élève de Jean-Léon Gérôme, il travaille aussi en tant qu’architecte et décorateur, parcours qui rejaillit sur la rigueur de ses compositions. La restitution minutieuse des faits, des gestes et des décors confère à ses toiles une densité narrative presque archéologique.

🏛️ Dans ses toiles, l’artiste s’attache à des épisodes où la précision documentaire nourrit la théâtralité du moment. Pour La Fiancée de Bélus (1885), Motte s’inspire d’un rituel babylonien prétendument relaté par Hérodote, qui aurait en fait été inventé au XIXᵉ siècle, alors que l’Orient suscitait les fantasmes les plus débridés.

Selon cette légende, chaque jour, la nouvelle élue d’un concours de beauté devait passer la nuit sur les genoux d’une immense statue du dieu Bel. Le peintre combine ici un sujet pseudo-antique et un décor recomposé : l’intérieur du temple provient en effet d’un édifice grec d’Olympie, tandis que la statue de Bel emprunte à Lamassu, génie protecteur de la mythologie mésopotamienne.

🦁 La scène dépeint la fin de la cérémonie : les prêtres sortent du temple par une porte latérale, tandis que la fiancée est abandonnée à son sort. Elle apparaît nue et prostrée, telle une proie offerte au colosse de pierre. Une brebis apeurée qui ne pourra s’y soustraire à moins d’être dévorée par ses deux gardiens léonins.

La composition repose sur un contraste essentiel : la monumentalité du dieu et la vulnérabilité de la jeune femme, la pierre sombre et immuable face à la chair diaphane et fragile. La lumière accentue encore l’isolement du corps dénudé au centre d’un sanctuaire presque entièrement absorbé par l’ombre.

🖌️ Fidèle à son goût académique, Motte traite ce thème avec une certaine retenue. Nul pathos ici : les lions ne rugissent pas, et la victime elle-même semble résignée. L’essentiel de la tension tient aux forts contrastes de lumière et à cette tension dramatique entre l’humain réduit à une figure minuscule et l’écrasante présence divine.
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🖼️ Henri-Paul Motte (1846-1922), La Fiancée de Bélus (1885). Musée d’Orsay.